Le projet…
Alors qu’ils m’interrogeaient sur la destination de cette halle des Capucins, anciennement l’un des premiers supermarchés de mes parents, et que je répondais : « Un centre culturel dédié à l’art contemporain », on m’avait objecté des moues dubitatives : « L’art contemporain, est-ce vraiment pour nous ? C’est un truc de rupins, on voit cela à la télé, à Dubaï, dans les ventes aux enchères, on n’y comprend pas grand-chose ! ».
Loin de me déstabiliser, ces observations montraient combien était grande la fracture entre le public et les promoteurs d’art contemporain.
Le Fonds des Capucins de Landerneau s’était justement donné pour mission de rendre plus accessible l’art et la culture. Aussi, je demandais à ces Landernéens quels étaient leurs peintres préférés. Ils citèrent joyeusement et sans hésiter les noms de Miro, Giacometti, Picasso, Chagall. Je jurais, les yeux dans les yeux, qu’au moins ces quatre peintres s’afficheraient aux Capucins un jour ou l’autre.
Culotté j’étais ! C’est ainsi que je débarquais chez Adrien Maeght, dont la fondation possédait un stock important de sculptures de Giacometti. A ce moment précis, les œuvres n’étaient pas disponibles mais, malicieusement, paraphrasant mon discours professionnel, il me glissa : « Michel, si nous n’avons pas Giacometti en rayon, nous avons du Miro ! ».
Et nous commençâmes donc par une exposition Miro, dont les œuvres magnifiques, puisées dans la Fondation de Saint-Paul de Vence, celle de Barcelone et dans les collections familiales des Maeght, des Artigas, des frères Haddad ou du petit-fils de Miro, débarquèrent en juin 2013 dans notre Landerneau finistérien.
Mais, Giacometti ?
J’avais été fasciné par la formidable expo réalisée à Beaubourg en 2007. La fondation Maeght avait à son tour ouvert au public un catalogue d’œuvres exceptionnelles. Mais l’opportunité de « faire venir » Giacometti à Landerneau me fut donnée par la nomination de Catherine Grenier à la présidence de la fondation Giacometti à Paris. Cette fondation dispose de très nombreuses œuvres issues de la donation de la dernière femme de Giacometti. Des œuvres stockées en atelier, et aussi plus de 2000 dessins et peintures.
Au moment où je frappe à la porte de la Fondation Alberto et Annette Giacometti, alors à 300 mètre de Beaubourg, celle-ci ne dispose pas encore d’un lieu permanent d’exposition. C’est un argument pour moi. Landerneau dispose d’une halle de 1200 m².
Catherine Grenier ne me connaît pas. Elle a entendu parler de notre action culturelle à Landerneau (merci à Jean-Christophe Claude, nouvel administrateur aux Beaux-Arts, pour son ambassade).
L’initiative reste pour elle et sa jeune équipe (Christian Alandete, Alexandre Colliex) une aventure risquée. Les demandes de prêt à l’étranger sont fortes et, immobiliser 180 œuvres, oblige à faire de terribles choix artistiques et financiers. Mais, Catherine Grenier allie les qualités d’une femme à l’expertise généreuse et de chef d’équipe enthousiaste. Elle sait qu’elle peut offrir au public français un autre regard sur les œuvres,de Giacometti. Très vite, elle a pris sa décision avec Christian Alandete (co-commissaire), Cécilia Braschi et l’incontournable Alexandre Colliex, super sherpa d’une équipe qui veut désormais faire grimper très haut la notoriété de leur fondation.
L’exposition
Depuis le 15 juin, bretons et touristes se précipitent aux Capucins. « L’exposition est formidable, et très réussie » dit dès l’inauguration Jean-Louis Prat, ancien compagnon d’Aimé Maeght. Les critiques d’art et les médias sont au diapason de l’enthousiasme du public.
Après l’exposition Dubuffet réalisée avec Sophie Webel, c’est la rétrospective la plus scientifiquement, artistiquement et esthétiquement menée à Landerneau.
Catherine Grenier et Christian Alandete ont, avec le scénariste Eric Morin, déroulé une scénographie exigeante qui permet aux spectateurs de déambuler paisiblement autour des œuvres, aucune n’écrasant l’autre, chaque salle s’ouvrant sur la beauté des œuvres suivantes. Pas de surenchère, ni trop d’œuvres, chacune étant un jalon dans le parcours obsessionnel et terriblement attachant de Giacometti.
L’approche choisie est à la fois chronologique et thématique.
Le visiteur passe de salle en salle, comme s’il traversait chaque épisode de la carrière de l’artiste. Ici des œuvres infiniment petites (pendant la guerre) et d’autres plus monumentales (à partir des années 60).
Une dizaine d’étapes, donc, illustrant les périodes cubistes, surréalistes… le travail sur les petits formats : « pour ne pas me noyer dans le détail, il fallait que je sois loin », (Giacometti).
Plus loin, le visiteur découvre les variations sur la taille des socles que Giacometti traite de la même manière que les figures « avec cette surface irrégulière qui porte la trace de la main qui l’a façonnée » (Catherine Grenier).
Au centre, la reproduction de l’atelier : un espace modeste dans lequel il a produit sans confort la grande majorité de son œuvre. Et puis, on découvre le travail d’après modèles, « non pas pour représenter quelqu’un comme on le connait mais comme on le voit ».
Dans une troisième partie, il y a les peintures et notamment les monochromes noirs.
En sortant, les visiteurs côtoieront « l’homme qui marche » œuvre iconique comme une invitation faite à chacun à poursuivre son cheminement dans l’histoire des hommes.
En inaugurant cette exposition, je n’ai pu cacher mon émotion et la faire partager. L’œuvre de Giacometti fascine et l’exposition aux Capucins de Landerneau est très complète, des œuvres de chaque période : « que des chefs d’œuvres » répète à l’envi Alexandre Colliex. Et surtout, on comprend très clairement les obsessions, les addictions, la persévérance et l’abnégation d’un artiste qui, dans la quête d’une représentation de l’essentiel, vous accompagne vers l’essence des choses.
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Giacometti à Landerneau, du 14 juin au 25 octobre
NB : la plupart des photos présentées ici (sauf les quatre dernières) sont le fruit du travail de Jean Fabien Leclanche. Un grand merci à lui !
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